Dodo la veille : Chacun de son bord à San Jose Petèn
C’est TOUT LE TEMPS moi qui a tout. En tout cas, c’est ça que Sébastien pense. Je lui ai demandé des exemples, mais il ne m’en a pas données. Je ne comprends pas trop pourquoi il dit ça, mais dans le cas présent, il a peut-être un peu raison.
À notre arrivée à San Jose Petèn, après avoir discuté des modalités de cours avec Paula (la madame de Bio-Itza), nous avons dû prendre des décisions pour nos maisons respectives. Le problème était qu’il y avait un endroit où la personne qui irait y vivre ne serait pas dans la même maison que le reste de la famille. Elle aurait une chambre et une salle de bain dans un autre appartement, mais irait manger dans la maison familiale. Ni Sébastien ni moi trouvions que c’était une bonne idée parce que le but du « HomeStay », c’est de passer le plus de temps possible avec les autres pour avoir plusieurs opportunités de communiquer. Mais, si nous voulions une place pour la voiture sans-nom, c’était l’endroit où un de nous devait aller. La décision de qui devrait rester avec cette famille a un peu été prise par Paula qui a laissé sous-entendre que c’était Sébastien qui devait y aller parce que, c’est bien connu, c’est épeurant pour une fille d’habiter seule. Donc, j’allais me retrouver à vivre dans une famille (une veuve et ses deux fils) et pas Sébastien. Au moment de visiter le futur ‘bachelor’ de Sébastien, nous nous sommes rendus compte que la chambre privée était vraiment loin de la maison familial. Nous avons donc exprimés notre mécontentement et en est sortie une solution : les parents iraient habiter dans la chambre privée et l’étudiant habiterait dans la maison familial. Cette solution nous convenait, même si on venait juste de nous offrir de laisser la voiture sans-nom chez Paula et qu’on pensait que c’était pour cette raison qu’un de nous devait aller dans cette famille. Finalement, c’était plutôt parce que c’est le temps des fêtes et qu’il n’y avait pas vraiment d’autres familles qui pouvaient nous recevoir.
Donc, la solution nous convenait, mais déjà le plan changeait, car c’était moi et non Sébastien qui irait vivre dans la maison familiale puisque celle-ci abritait 3 fillettes en bas âge. C’est bien connu, un homme ne peut pas vivre seul avec des enfants. Je me retrouvais donc à vivre avec trois petites filles alors que Sébastien vivrait avec une vieille et ses vieux garçons. Les plans avaient changé, mais j’en sortais encore gagnante.
Par contre, le temps d’aller chercher la voiture et de retirer de l’argent pour l’apporter à Paula, la famille avait changé d’idée et ne souhaitait plus m’héberger (de la visite arrivée à l’improviste… y paraît…). Pendant un instant, c’était Sébastien qui avait mieux que moi. Mais, par magie, Paula m’avait trouvé une autre famille. « C’est une famille pauvre et il y a beaucoup de monde qui habite dans la maison » m’a-t-elle avertie, « mais, il y a un système de rotation des familles pour distribuer également les 'bourses' entre les habitants du village et c’est au tour de cette famille de recevoir un étudiant ».
En entrant dans la maison, mon cœur s’est serré et pendant un instant, j’ai voulu m’enfuir et ne pas faire le programme. Ensuite, j’ai vu qu’il y avait un filet anti-bibittes pour mon lit, et ça m’a un peu aidé à me raisonner. En ressortant de la chambre en disant (encore un peu à contrecœur) que oui, c’était correct pour moi cet endroit, j’ai vu les enfants souriants, tous contents d’avoir une nouvelle amie avec qui jouer. D’un coup, j’ai oublié que la maison avait l’air de ce qu’elle a l’air et j’avais hâte de pouvoir être avec eux. C’est là que Sébastien, qui avait visité avec moi, a dit, comme c’est bien connu, « c’est TOUT LE TEMPS toi qui a tout ».
Je ne sais pas à quel point il avait raison pour ça, mais c’est sûr que je suis satisfaite dans ma famille. Une grand-mère qui habite avec 8 de ses 9 enfants et leurs conjoints respectifs (pour ceux qui en ont) ainsi que ses 9 petits enfants. Je ne sais pas encore exactement combien il y a de personnes qui habitent avec moi, mais vite comme ça, j’en compte 17. Y’en a d’autre de qui j’entends parler, mais je ne sais pas où ils sont. Bien sûr, je ne connais pas le nom de tout le monde et j’ai décidé que je n’allais pas essayer de tous les apprendre. Je me concentre sur ceux avec qui j’interagis plus souvent, ce qui fait déjà beaucoup. Si on parle d’expérience culturelle, disons que je suis servie ! En plus, je participe aux activités religieuses liées à la ‘Navidad’ ce qui me permet d’être témoin d’encore plus des particularités de la culture. Ma famille pense que je suis une bonne catholique et je dois avouer que je ne les ai pas vraiment corrigés. Je dis seulement des phrases très larges du type « la religion n’est pas très populaire au Québec » et « il n’y personne dans les églises ».
Non mais, je comprends Sébastien d’être jaloux ! Pendant que lui se force à dormir dans un lit à deux matelas, moi j’ai le privilège de m’étendre sur la belle boîte de carton (entourée de son filet anti-bibittes) qui me sert de lit. Et en plus des 3 chiens et des deux cochons (qui sont pour le 1er novembre de l’année prochaine) de la famille, j’ai mes animaux domestiques privés. En effet, ma chambre regorge de vie. J’aime bien la tarentule (ou plutôt la vraiment grosse araignée noire et poilue, mais ça sonne mieux la ‘tarentule’) qui vit près de ma porte, je suis bien divertie par le chant des criquets qui habitent sous mon bureau et sous mon lit et je suis aussi très attachée aux abeilles qui vivent dans les morceaux de bois morts qui servent à tenir mon plafond. Mais, mon animal préféré, c’est celui dont je ne connais pas l’identité qui habite dans mon plafond. Ais-je mentionné que mon plafond est en fait une bâche bleue clouée à des morceaux de bois morts (oui oui, ceux qui abritent des abeilles) ? En tout cas, c’est là qu’habite l’animal non identifié qui arrête de bouger chaque fois que j’ouvre la lumière et qui se fait un plaisir fou à passer la nuit à courir d’un bord à l’autre de la bâche. Je dis l’animal, mais peut-être que je pourrais dire les animaux. « Ah si, el gâto » que Merlina a dit. Ça doit être un chat muet parce qu’à part ses pas, je ne l’ai jamais entendu faire un autre son… Et j’essaie de me convaincre qu’une bâche ça peut résister à tout parce que je ne pense pas que mon filet anti-bibittes soit également un filet anti-bébêtes.
Mais c’est juste pour démontré mon environnement que j’utilise le sarcasme (et peut-être un peu pour ridiculiser mon co-voyageur, qui n’aime habituellement pas les gens qui exagèrent et qui dit maintenant que c’est TOUT LE TEMPS moi qui a tout), parce qu’en fait, je suis vraiment contente. C’est sûr que ce n’est pas parfait que mon lit soit dur comme de la roche, que mon plafond ne soit pas un plafond, que je me sentes mal chaque fois que la famille me parle d’argent et que les criquets chantent toute la nuit en dessous de mon lit, mais tout est compensé par le sourire de Nicolas, 3 ans, quand il me dit « Holà Genoveva ! Mira mi camiones » et quand il enquête tous mes faits et gestes, au plus grand désarroi de sa parenté. Donc oui, peut-être que dans le cas présent, c’est moi qui a tout. Surtout qu’en plus, la bouffe est bonne. Simple, bonne et bourrante : comme j’aime !
Pour rajouter à la cause de Sébastien, c’est aussi moi qui a pogné le meilleur professeur d’espagnol. 12 ans d’expérience et plus de 300 étudiants à son actif, il parle dans un espagnol parfait avec un débit juste assez rapide pour donner un peu de challenge, mais que je peux comprendre quand même. De plus, il a une façon d’enseigner très structurée et logique. Son seul défaut, c’est qu’il aime parler et comme moi je suis meilleure à écouter, ça diminue un peu mes chances d’améliorer l’aspect expressif de mon espagnol. Mais comme je travaille mon ‘problème’ d’affirmation, je lui en ai déjà glissé un mot et ça semble s’améliorer. Donc voilà, j’apprends beaucoup et je suis bien fière de moi quand je fais des phrases correctes de plus de 8 mots au présent et des phrases de 3-4 mots avec un verbe au passé bien conjugué. Des exemples ? Hier j’ai dit, tout naturellement : « Puedo tomar esta silla para poner mi vestimientos en la ducha ? », ou encore « Yo fuí a la posada con mi familia ». Non mais, c’est-tu pas merveilleux ça ? Peut-être que dans une semaine, je vous écrirai un blogue en espagnol (not !).
En tout cas, c’est ça pour là. Je vais sortir de ma chambre, j’entends Nicolas qui m’appelle.
À bientôt !
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